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Les expos de Caroline Corbasson et «Des forêts, des esprits et des hommes», la rétrospective Rick Owens... La semaine culture de Madame Figaro
Trois expositions : L'essentiel à voir, conseillé par la rédaction cette semaine.
La nature habitée de Bae Bien-u
Étourdi de soleil et battu par les vents, un figuier de Barbarie domine la baie d'Ajaccio, usé mais conquérant. «On dirait qu'il s'est minéralisé», remarque Sophie Makariou, commissaire de l'exposition «Des forêts, des esprits et des hommes», dédiée à Bae Bien-u, photographe de paysage né en 1950 à Yeosu, en Corée du Sud. Dans l'enceinte du Palais Fesch voisinent ses séries zen, baignées d'une même «lumière tamisée», comme si «les arbres la régulaient». Certaines sont prises à domicile, dans les sous-bois sacrés de Gyeongju, ou sur l'île volcanique de Jeju. Mais la plupart sont nées en Méditerranée, à mille lieues de son «pays de montagnes et de pluies tetues» : à Grenade, dans les jardins classés de l'Alhambra, le maître de l'argentique capture la masse touffue des feuillus, canopée impénétrable proche du tapis d'algues. À Venise, il scrute la lagune, vaste étendue laiteuse brouillant les frontières entre le ciel et l'eau. Parmi ces vues panoramiques confondant bas et haut, celles de l'île de Beauté (ci-dessus), que l'artiste découvre l'hiver dernier, ne dépareillent pas : «Chez lui, tout est singulier et universel», résume Sophie Makariou, louant la communion de ces « grands rectangles noir et blanc», unis par leurs gris, leur calme, l'importance du vide. Aucune présence ne vient troubler la paix des sens. Pourtant, la nature semble habitée : des pins et oliviers «en marche» forment en silence, presque en secret, un puissant «corps social». V. H.
«Des forêts, des esprits et des hommes, photographies de Bae Bien-u en Corse», du 11 juillet au 1er février 2026, au Palais Fesch - Musée des beaux-arts, à Ajaccio.
Caroline Corbasson, entre ciel et vent
Toile de Caroline Corbasson intitulée Wind III, 2025.
Andrea Montano
Depuis les tornades de son enfance au Canada et au Texas, jusqu'aux rafales de mistral dans la campagne camarguaise, le vent a scandé sa vie. Lauréate 2024 du prix Art et Environnement Lee Ufan × Guerlain, l'artiste franco-canadienne Caroline Corbasson dévoile cet été le fruit de sa résidence à Arles. «Un temps de concentration, comme une invitation à la contemplation et à la poésie, un grand mouvement dans ma pratique», raconte celle qui a passé deux mois en continu et sans réseau à l'atelier adjacent à l'hôtel Vernon où s'est installée la fondation en 2022. Quelque chose s'est libéré. De l'observation des ciels très lointains (les ciels profonds), la diplômée de la Saint Martin's School, à Londres, et des Beaux-Arts de Paris est passée à l'étude des brises et des tourbillons, à travers les mouvements des branches qui dessinent des formes de cadran… Elle dévoile là ses premières toiles, où l'encre saturée à mesure des couches ajoutées se mêle à l'huile et à des mots bien cachés, ses photographies argentiques, ses vidéos et dessins au charbon. «Something Moves» raconte aussi la chrysalide d'une artiste en tension, comme les paysages qui l'inspirent. Cet été, elle participe également aux expositions «Par quatre chemins», au château La Coste, près d'Aix-en-Provence, «Vertigo», à la Villa Carmignac, à Porquerolles, et «Lire le ciel», au Mucem, à Marseille. V. B.
«Something Moves», jusqu'au 5 octobre, à la Fondation Lee Ufan, à Arles.
Le sacre de Rick Owens
Michèle Lamy, épouse et muse du créateur Rick Owens, en 1995.
MARIO DE LOPEZ
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De lui, on a tous en tête des shows apocalyptiques, des vêtements en cuir sculptés, brutalistes et futuristes, des inspirations punk gothiques qui, autour de ses défilés, fédèrent une tribu aux «looks d'enfer». À ce dernier des Mohicans (dont il a le visage), le Palais Galliera consacre la toute première rétrospective. Une traversée artistique qui présente les références multiples du designer californien, né en 1962, dont l'univers ne peut se résumer à des performances transgressives et underground. À travers une centaine de silhouettes, des archives personnelles et des installations inédites, l'exposition révèle sa passion pour le Hollywood glamour et décadent des années 1930, son goût pour une élégance héritée de Madame Grès et Madeleine Vionnet, et sa fascination pour l'art moderne et contemporain. Sans oublier son amour inconsidéré pour celle qui l'a révélé lors de ses débuts de patronnier à Los Angeles, sa femme, Michèle Lamy, divinité tutélaire dont la présence s'inscrit en filigrane tout au long du parcours, jusque dans la reconstitution de leur chambre à coucher. Une réflexion sur la beauté et la différence signée d'un créateur iconoclaste, dont les vêtements séduisent autant qu'ils dérangent. M. D.
«Rick Owens, Temple of Love», jusqu'au 4 janvier 2026, au Palais Galliera, à Paris.